Paroles

 

 

CHAMPION EN SERIE

Marche libre et fier !

Marche libre et fier !

Tête haute. Héroïque. Costume trois pièces, salon et chaînes câblées. Menton fier. Bien pensant. Suis unique. Mange bio. Social. Premier rôle. Déguisement sur mesure. Suis spectacle et démarche. J’avance. Expansion capitale. Je suis vu et entendu. Ma voix sur mon répondeur. Mails à signature automatique. Suis apogée de moi-même. Café, vélo le dimanche et puis garde la forme ! Référence. En somme, addition de mes possessions toutes taxes comprises et TVA non incluses !

Moi seul ! Marche libre, marche fier !

Moi seul ! Marche libre, marche fier !

Je dépense et j’essuie mes mains moites sur ma bite, performante comme pas deux, devant l’écran miroir que j’immacule encore, car je nique la mort ! J’ai ma vie qui s’écrit sous la merde ! Mes pas qui ne se rendent nulle part, mais je rêve d’ailleurs. Et ce que je prends pour l’écho de ma voix, c’est le pas même des autres, qui marchent, sanglés dans leur uniforme standard. Et chacun qui pense être le héros du jour, porteur de sagesse, et moi qui les vois, et qui sur eux discours. Je ne suis pas moins vain qu’eux ; des clones, des clowns, et l’éros des zéros !

Marche libre ! Marche fier !

Marche libre ! Marche fier !

Marche libre ! Marche fier !

Marche libre ! Marche !

THÉÂTRE DU VACARME

Par la fenêtre ouverte passe le bruit d’une ambulance.

Les bras s’agitent. Visages tendus. Et les mots, fusent comme des flèches.

Fermer les yeux.

Par la fenêtre ouverte passe le bruit d’une ambulance !

Fermer les yeux !

Et le mur blanc. Et le silence.

Par la fenêtre ouverte passe le bruit d’une ambulance.

Contact ! Le clac de la main. Et les « putains », les « fils de pute». Entendre la voix. Entendre les bruits. Fermer les yeux. Et le mur blanc. Et le silence. Par la fenêtre ouverte, même bruit, même scène. Toujours la même qui rumine. Un peu comme la vague sur une roche. La désagrège quand la lèche. Et la jouissance de la rage. Et le souvenir. Le goutte à goutte qui infuse et qui tache le monde. C’est comme un filtre le remord qui rend passé tous les instants. Le mur blanc, et le silence.

Le troisième œil !

Le troisième œil !

Le troisième œil !

Le troisième œil !

Le troisième œil !

Le troisième œil !

Le troisième œil !

Le troisième œil !

Et y’a des trucs qui pendouillent, dont on pense qu’ils se lèvent, et qu’on les regarde. Fascine, Faisceaux. Fasciste… Le mâle. Ou des mots que l’on dit comme des maux. Démons. Et des flèches qui découpent la chair du cerveau… lent. Et l’on s’approche, la taloche facile, comme un « merde » dans ta gueule. Comme une vague qui monte, bas du ventre qui tremble. Ça fait sismographe, épicentre.

Par la fenêtre ouverte passe le bruit. Fermer les yeux. Sauter par la fenêtre… ouverte… passe le bruit d’une ambulance. Surface bitumée, couverte du corps fendu par le choc… passe l’ambulance. Deux corps pour le prix d’un. Le bourreau, la victime, c’est genré comme la mort.

Par la fenêtre ouverte passe le bruit d’une ambulance !

Fermer les yeux !

SARCOPHAGE DU SUCCÈS

Face contre terre, se lève. Frotte ses yeux par la fenêtre. Soleil radieux, même temps toujours. Tout dans la tête…

D’un pas allègre, écarte chaussettes, contourne valise. Dans l’assiette sale de la veille écrase mégot. Gratte le menton, boutonne chemise bien ajustée. Le bleu apaise, le bleu requin…

Paraître ! Parade ! Figure ! Et poitrine !

Paraître ! Parade ! Figure ! Et poitrine !

Sourire Colgate, jette la serviette. Méthode Coué, garde les œillères. Il est d’une race qui domine et pousse les piles de carton-pizza-bière-clope de tous les soirs.

Ajuste cravate. Pomme d’Adam qui saille comme un roc. Passe la veste, le pantalon, prend la mallette, cuir andalou, dorure vermeille, les lunettes noires homme-pouvoir et signe victoire.

Paraître ! Parade ! Figure ! Et poitrine !

Paraître ! Parade ! Figure ! Et poitrine !

Il ferme la porte. La clé verrouille. Laisse l’appart non-zone morte, comme une tumeur sur une perle. Furoncle de merde sur réussite. La peau parfaite, le foie pourri. Parcourt la rue plus qu’il ne marche, et domine comme flotte sur le pavement. Pas décidé. Menton vers le ciel. Même quand il pleut. Le front altier. Imperturbable comme un dieu. Il pense. Commissures lèvres, sourire en coin. Le corps impeccable. Un tout en haut, altissimement tout seul. Passe les portes comme le vent, tel le ruisseau dans l’open-space. Jaillit en vannes, clin d’œil, pince-fesses, Martini… Garde la main, garde le contrôle. Augmentation, promotion, intéressement et commission. Incarne pouvoir, troué, coké. C’est le métier qui rentre !

NOTRE GRANDE MACHINE

Tout ira bien !

Tout ira bien !

Défigure des modèles, des patrons qu’on découpe. Des figures tutélaires, équarrissage pour tous. Qu’on découpe dans le muscle, dans la chair de l’autre. L’on digère les patrons qu’on découpe. Défigure des modèles, des figures tutélaires, que l’on répète en boucle. Même geste, même croûte. Jusqu’à l’arrêt complet, rester nous coûte que coûte.

Défigure des modèles, des patrons qu’on découpe. Des figures tutélaires, équarrissage pour tous. Qu’on découpe dans le muscle, dans la chair de l’autre. L’on digère les patrons qu’on découpe. Défigure des modèles, des figures tutélaires, que l’on répète en boucle. Même geste, même croûte. Jusqu’à l’arrêt complet, rester nous coûte que coûte.

Défigure des modèles, des patrons qu’on découpe. Des figures tutélaires, équarrissage pour tous. Qu’on découpe dans le muscle, dans la chair de l’autre. L’on digère les patrons qu’on découpe. Défigure des modèles, des figures tutélaires, que l’on répète en boucle. Même geste, même croûte. Jusqu’à l’arrêt complet, rester nous coûte que coûte.

Alors l’étron qui sort est le nôtre, pas un autre.

SAGESSE GARDÉE

Regardez-les, là, qui s’agitent… façon miroir de la jeunesse. Qui font du bruit, et qui s’enlacent. S’habillent comme ci ou bien comme ça… mais pas comme moi. Ça cherche la merde sans conséquence. Vont être surpris quand ça se plantera ! Moi pas. Ils pensent vivre, et tout savoir… sont les plus forts. Irréfléchis, et sans long terme. Et puis ça veut tout, tout de suite ! Sont immédiats et sans passé. Ils sont tout seuls dans leur petit monde. Le collectif, ça connaît pas. Vanitas, vas niquer ta vie ! Ah, pour faire la fête, ça, y’a du monde hein ?! Pas se prendre la tête… Du pain et des jeux ! Et des œillères façon lunettes de star. Liberté, mépris, indifférence. C’est que des cafards, des sangsues, des nuisibles qui gigotent… Et puis cette merde ça s’étend façon tache d’huile ou de pétrole. Y a tout qu’est noir ! Tout, sauf moi.

L’unique berger omniscient !

L’unique berger omniscient !

L’unique berger omniscient !

L’unique berger omniscient et universel !

Regardez, le monde n’évolue pas, il régresse. Le progrès, la politique, j’en pense pas moins. Le blablabla, le bruit des autres… Moi, je dis rien. Tout se perd, se confond… Et puis dans le flot d’informations tout le monde se noie. Pas moi. Reste clairvoyant. Quand je discours, je philosophe… du cours du temps, des cours de bourse, de la vie, des gens… Tout seul chez moi. Si je le voulais, je pourrais bien être le roi, seul, là, tout en haut, avec une meuf à mes côtés. Et je guiderai, despote lumière, l’humanité vers le paradis ! Liberté, égalité, prospérité. Mais tout se mérite, alors crevons !

Contenance ! Les mots restent captifs de la peur !

Contenance ! Les mots restent captifs de la peur !

À l’intérieur et jamais voir le jour !

À l’intérieur et jamais voir le jour !

Tout fout le camp. Respect, grandeur, beauté, sagesse. Je vous regarde. Je les regarde. Car moi je sais. Je m’érige seul, comme ma parole dans le désert. C’est sûr, ma vérité dérange, et elle offense. Mais pendant ce temps-là mon slip est vide. Mon cran est à l’arrêt. Et les miroirs me disent merde ! Et mon ulcère qui brûle toujours… Je pense, et suis la raison. Je m’entends. Ma voix c’est celle du peuple. De tous les peuples. Vous ne m’écoutez pas, alors discorde et châtiment. Il faut suivre ma voie. La seule. La juste. L’unique. Modestement, je crois… Je suis la clé.

Penser être Dieu !

Penser être Dieu !

Penser être Dieu !

Penser être Dieu !

ESCALADE EN CHUTE LIBRE

Courbe qui monte toujours… Courbe où fracture n’est qu’une pause vers ascension… Je suis montagne et horizon… Chibre taureau plein de puissance…

Perdre pour gagner !

Perdre pour gagner !

Et mon moi qui s’éjacule. Je suis le monde, j’essuie le sperme. Membre virtuel. Je performe, toujours, dépasse, sensationnel. Je suis solo. La symphonie. Les instruments s’accordent, des hommes-outils, bref des prolos. Homme ou bien femme ? S’en fout. Hermaphrodite, comme un boulon qu’on pète un jour, qui les dirige. Instrumental. Raison-ration. Chair à canon. Produit standard… Mais le meilleur dans l’arène. Je reste, braguette au poing. Je dépasse, je fais plus, je rationalise des flux tendus. Je suis travail !

Impersonnel et puis sans genre ! Les femmes, les hommes, tous des rouages sur une courbe qui monte toujours. Et puis les crises que l’on rencontre ne sont alors que des occases de s’en mettre plein les poches. De jauges-puissances, qui est le meilleur, qui est le plus fort, là, dans l’arène ? Problème d’image ou de confiance des actionnaires. Et la main invisible des marchés, bien dans la gueule des pauvres, qui ne sont, au fond, que de pâles reflets de ceux qui réussissent. Et le réel monolithe, sans concurrence, droit dans le mur, droit dans le mur, droit dans le mur, droit dans le mur…

Perdre pour gagner !

Perdre pour gagner !

Perdre pour gagner !

Perdre pour gagner !

Perdre !

De la volonté… Degré suprême… plus que la pierre… les feuilles… les chats… plus que l’humain ? Surhomme… surfemme… ne sont pas eux… sont une idée. Idée de leur place. Idée de race. Intelligible comme Platon à la sauce libérale. On additionne et puis on divise à l’international tout le travail. Ils vivent plus et toujours plus. Ça croît, ça pousse comme jamais. Des Frigidaire dans les chaumières, et des télés en veux-tu en voilà. Ils n’y croient pas quand on leur dit que tout craquelle, quand s’amoncelle tous les avoirs format placard. Quand je perds, ça gagne ailleurs, qu’ils disent. J’ai une idée, et le capital avec mes gains des sans-visages, qui produisent bien presque sans salaire, presque pas sanguin, parce que si loin… que je m’en fous…

UN VIDE CONFORTABLE

Les mots qui s’étalent sur la toile sont déjà dits. Enfin presque. Pas la même pensée. Une qui s’effiloche, comme en suspens sur la feuille immaculée et qui tombe.

Comme en hiver, la page blanche qui se macule des pensées d’autres. Discours que je rapporte. Mais lors, se pense Diogène vain, du haut sommet sur son clavier. Mots qui s’étalent sur la toile.

Et s’accumulent comme en un tas. Tout le monde regarde, tout le monde. Je mesure l’émoi comme machinal. Les mots défilent et même des images. Sourire un coup avant le travail, je me divertis puis m’asservis.

Je veux faire du like et puis du lien. Analytics. Réseau ému et engagé. Réseau j’ai bu et outragé. Je prends part au monde. Je réagis, je m’indigne, je suis indigné. Je manifeste.

Mots qui s’étalent sur la toile comme un tamis. Le bouche à oreille des doigts. Transmission, déformation. L’info en une minute. Les clics gauches, clics droits, et puis molette. Passe pensée. J’écris, lis pas. Citations. J’achète. Commente sans argument ni ne développe. Partage. Je monologue. Des pas, feedback et puis chemin. J’algorythmique mes parcours. Historique, favoris ou cookies, mais pas ceux qu’on mange ! Mes pense-bêtes, agenda, code carte bleue. Millions de vues. Choix suggérés. Écouter en diagonale. Espionne. Voisins. Me moque. Je m’oublie. Et paradoxe du temps perdu, de tous les je spectaculaires et puis qui pensent se succéder quand s’amoncellent comme un cloaque… Zenon d’Élée !

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